De Guest blogger

08 janvier 2021 - 12:37

Catherine Saracco & Minh-hà Pham

Enjeux de la coopération dans l'enseignement supérieur, recherche et innovation post-Brexit

Minh-Hà Pham (MHP), Conseillère pour la science et la technologie à l'Ambassade de France au Royaume-Uni a répondu aux questions de Catherine Saracco (CS), Directrice Education au British Council France sur quelques-uns des enjeux et défis actuels liés à la coopération franco-britannique dans le domaine de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.  

C.S : Que vous inspire la récente décision du gouvernement britannique de sortir du programme Erasmus+ et d’être pays associé dans le cadre du programme Horizon Europe ?

M-H.P: Pour l’instant, ce que l’on peut dire, c’est que le maintien du Royaume-Uni dans le programme Horizon Europe, sous réserve de leur contribution financière, va permettre la poursuite des collaborations entre les chercheurs britanniques et européens. 

En revanche la sortie du programme Erasmus est un véritable choc, et va fortement impacter les mobilités étudiantes. L’augmentation des frais d’inscription dans les universités britanniques pour les  étudiants européens risque de dissuader les étudiants français de s’inscrire, malgré l’attractivité des universités outre-Manche.

Le gouvernement britannique a annoncé la mise en place de programmes de financement de la mobilité, mais uniquement à l’attention des étudiants britanniques et pour des mobilités internationales, sans ciblage particulier des universités européennes. Nous réfléchissons à des programmes de bourses spécifiques pour maintenir les flux d’étudiants entre la France et le Royaume-Uni.

CS : Dans la perspective du Sommet franco-britannique au printemps prochain, quelles sont les thématiques phares dans l’enseignement supérieur, l’innovation et la recherche que nos deux pays souhaitent prioriser ?  

M-H.P : L’organisation de ce sommet inter-gouvernemental est encore suspendue mais devrait se préciser maintenant que les négociations liées au Brexit sont achevées.

Sur le volet « sciences », rien n’a encore été officialisé mais on peut penser que trois axes de travail seront mis en avant : tout d’abord, dans le sillage de la politique du Green Deal initiée par Boris Johnson, la question du changement climatique et des énergies dans leur ensemble avec l’organisation de la COP26 à Glasgow en Novembre 2021, ensuite la mobilisation de l’expertise scientifique dans la gestion de la crise sanitaire avec le souhait de couvrir toute la palette de la recherche fondamentale jusqu’aux sciences sociales, et enfin les questions relatives à l’intelligence artificielle et à la cybersécurité.  

C.S : Dans le contexte de l’alignement des frais d’inscription des étudiants européens sur ceux des étudiants internationaux, quelle va être la nature de la relation bilatérale franco-britannique en terme de mobilité à l’avenir ?

M-H.P : Il est certain que la décision britannique de passer les frais d’inscription universitaires au niveau de ceux demandés aux étudiants internationaux c’est-à-dire environ trois fois plus que les montants précédents, va accentuer un biais de classe.

Je pense que dans ce contexte, les universités britanniques et françaises vont devoir s’entendre pour négocier davantage d’accords bilatéraux avec des frais d’inscriptions revus à la baisse et un accès élargi à des bourses d’études. 

C.S : Le programme Entente Cordiale qui était un programme de mobilité phare au niveau Master et ce, toutes disciplines confondues, a été mis entre parenthèses dès 2019. Songez-vous à le réintroduire et si oui, avec quelles modifications ?

M-H.P : Ma volonté en tant que Conseillère pour la Science et la Technologie est clairement de continuer à valoriser des “flagship” programmes comme le programme Hubert Curien Alliance ou encore Entente Cordiale.

S’agissant d’Entente Cordiale pour soutenir la mobilité d’étudiants britanniques vers la France, ce programme va être révisé et le budget sera abondé en conséquence avec désormais 10 bourses d’études octroyées chaque année. Les critères de sélection seront également réétalonnés: plus de diversité sociale et d’inclusion avec une pondération entre excellence académique et origine sociale et plus de diversité aussi dans le choix des disciplines éligibles.

En parallèle, nous travaillons (en étroite collaboration avec le Franco-British Council dirigé par David Mackintosh) à renforcer le programme Entente Cordiale par un nouveau système de “matching” pour la rentrée 2021, faisant appel à du co-financement par des grandes écoles ou universités partenaires qui accueilleront les étudiants et par des entreprises intéressées par des formations à la création de start-ups ou de projets d’innovation. 

C.S : Comment percevez-vous l’Initiative « Universités Européennes » et la place du Royaume-Uni dans ce dispositif ?

M-H.P : Lorsque j’étais Vice-présidente en charge des relations internationales à l’Université Paris Sciences et lettres (PSL), j’avais le projet d’associer l’Université Sussex dans un appel à projet qui impliquait notre université, mais il n’était pas certain que les universités britanniques puissent être financées dans le cadre du projet, et nous avons finalement renoncé à ce partenariat.

Cette initiative qui, dans sa phase pilote, vise à financer majoritairement la mobilité étudiante va entrer dans une phase de consolidation intégrant des activités de recherche. Au titre des deux premiers appels à projets (2019/2020), huit universités britanniques ont cependant intégré certains de ces consortia et mon travail va consister à les accompagner afin de maintenir et faire fructifier les liens entre les universités britanniques et les universités européennes impliquées. 

Biographie de Minh-Hà Pham

Diplômée de l’Institut national agronomique de Paris-Grignon (Agro ParisTech), titulaire d’une thèse de 3e cycle et d’une thèse d'État en neurosciences (Sorbonne Université), Minh-Hà Pham est directrice de recherche de première classe au CNRS. De 2002 à 2007, elle a travaillé pour le CNRS, puis le groupement ParisTech jusqu’en 2010, avant de revenir au CNRS comme directrice des relations européennes et internationales jusqu’en 2013. Elle devient alors conseillère scientifique à l’Ambassade de France de Washington où elle développe des programmes de collaboration avec de grandes institutions de recherche américaines. En septembre 2018, elle revient à Paris où elle est nommée vice-présidente relations internationales de PSL. Elle est conseillère pour la science et la technologie à l’ambassade de France au Royaume-Uni depuis août 2020.