Catherine Saracco (C.S.), Directrice de l’Education au British Council, s’entretient avec Gilles Roussel (G.R.), Président de l'Université Gustave Eiffel, sur la stratégie internationale et la politique de site de ce nouveau regroupement d'établissements du supérieur. La discussion laisse évidemment une place de choix aux relations franco-britanniques au sein de cette nouvelle entité.
C.S : Pourriez-vous présenter les grands axes stratégiques de l’Université Gustave Eiffel en matière de politique internationale et de recherche ?
G.R : Il est important de préciser que l’université Gustave Eiffel (Univ Eiffel) dispose du label « Initiatives – Science - Innovation - Territoires - Economie » (I-Site). C’est une reconnaissance importante de son expertise et de sa qualité scientifique, accordée par un jury international, dans le cadre du programme français des investissements d’avenir. Univ Eiffel est donc naturellement ambitieuse en matière de politique internationale et de recherche, avec comme axes principaux :
- Se placer sur les rangs des « Universités Européennes » en augmentant le volume d’activités ancrées en Europe dans tous les domaines de Recherche, Formation et Innovation
- Dynamiser la visibilité internationale par une animation originale
- Développer un cadrage stratégique spécifique par partenaire et pays « cible »
- Identifier et flécher des moyens spécifiques au développement international
- Articuler les points clés de la dynamique fondée sur des hubs et sur l’influence.
C.S : Actuellement, un seul campus se trouve en dehors du territoire, le campus de Bruxelles, avez-vous l’intention de vous implanter ailleurs en Europe ou dans le reste du monde ?
G.R : Uni Eiffel a un bureau à Bruxelles au CLORA depuis 2016, ce n’est pas un campus, mais une représentation qui a un rôle important de construction et de relais au niveau européen.
Uni Eiffel a un campus en Afrique du sud : l’université est depuis 2021 membre fondateur de l’Institut F’SATI (campus international). ESIEE Paris, désormais une école d’ingénieurs d’Uni Eiffel participait déjà depuis quelques années à ce campus aux côtés de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France (CCI). Le directeur scientifique de cet institut F’SATI est un personnel académique de l’université Gustave Eiffel et basé à Tshwane University of Technology (TUT), à Pretoria.
Nous avons par ailleurs signé des Laboratoires internationaux associés (1 en Allemagne, 3 au Québec, 3 à venir avec l’Italie)
C.S : L’établissement se décrit comme une « université européenne à vocation internationale », à quoi cela fait-il référence ?
G.R : C’est en effet constitutif de « l’ADN » d’Uni Eiffel. On peut citer :
- sa très grosse culture européenne et internationale de participation à des appels à projets de recherche et de formation
- sa présence dans 15 associations de recherche et de formation en Europe et à l’international,
- son dépôt d’une candidature à l’appel ERASMUS+ Universités Européennes
- sa contribution significative au point de contact national (PCN) transport de 2014 à 2020 pour H2020.
C.S : L’Alliance européenne PIONEER a pour objet d’études la ville de demain, quels sont vos objectifs en matière de mobilité étudiante et de recherche dans ce dispositif ?
G.R : L’alliance PIONEER vise un effet démultiplicateur notamment pour la réponse aux appels à projets européens dont ceux d’Horizon Europe et la circulation des étudiants et personnels par le partage d’activités sur les villes dans nos campus. Univ Eiffel contribue à imaginer et concevoir des territoires plus durables et ces mobilités dans le cadre de PIONEER sont aussi précieuses pour accroître l’émulation collective sur ces sujets.
C.S : Depuis la mise en œuvre du Brexit, comment envisagez-vous l’avenir de vos relations avec le Royaume-Uni ?
G.R : L’avenir de nos relations avec le Royaume-Uni doit être un avenir de continuation des collaborations bilatérales, des mobilités d’étudiants et de personnels permanents (formation, recherche), de poursuite de projets.
C.S : Vous proposez encore aujourd’hui à vos étudiants de participer à des mobilités d’études et de stages avec des université britanniques - notamment Newcastle, Oxford Brookes, Birmingham, Derby, de Surrey et en Écosse.
G.R : En effet, sur 2019-2020, nous avons eu des mobilités d’étudiants avec ces établissements dans le cadre d’Erasmus+. Nous avons également eu des mobilités de chercheurs avec Cambridge, Northumbria et Strathclyde.
C.S : Misez-vous sur l’extension du programme Erasmus + jusqu’en 2023 pour poursuivre vos mobilités sortantes et avez-vous commencé à renégocier vos accords d’échange avec les établissements britanniques dans la perspective du programme Turing qui démarre en septembre 2021 ?
G.R : L’objectif est bien sûr une poursuite des collaborations dans le cadre d’Erasmus +. La renégociation avec les établissements britanniques fera l’objet de toute notre attention, elle pourra donner lieu à des évolutions sur lesquelles nous n’avons pas encore formellement travaillé.
C.S : Pensez-vous que le programme Turing soit une alternative viable au programme Erasmus+. Que vous inspire-t-il ?
Concernant Turing Scheme, nous avons compris que tout établissement britannique peut faire une demande de subvention, aucune restriction régionale n'ayant été évoquée. Il a également été confirmé que Turing Scheme n'imposerait aucun modèle d'accord car ils souhaitent laisser le cadre aussi flexible que possible pour les établissements partenaires.
Mais à ce stade en ce qui concerne les partenaires en Europe, la subvention 2020 de l'ancien programme Erasmus+ dont le Royaume-Uni fait partie reste utilisable jusqu'à 2023. Les échanges continueront dans le cadre du programme Erasmus pour une année académique de plus et les demandes de subvention Turing interviendront ultérieurement.
A suivre donc.
C.S : Gustave Eiffel ne propose aucun double-diplôme en collaboration avec une université basée au Royaume-Uni, est-ce envisageable à l’avenir ?
Tout à fait, à condition d’aligner les formations et les mobilités étudiants.
C.S : Votre université est impliquée dans de nombreux réseaux européens dédiés à la recherche, notamment ECTRI, The European Conference of Transport Research Institutes, un programme de recherche dans lequel l’université de Newcastle est également impliquée. S’agit-il d’un partenaire stratégique au Royaume-Uni ?
Pas spécialement stratégique, même si c’est en fait assez évolutif. En effet, nous ne déposons pas forcément des projets européens avec tous les partenaires de tous nos réseaux (dont ECTRI) : cela dépend surtout des appels ouverts, des pays éligibles, des sujets intéressant les chercheurs.
Pour conclure, permettez-moi de rappeler que notre toute jeune université, créée le 1er janvier 2020, l’a été à partir d’un organisme de recherche, d’une université, de trois écoles d’ingénieurs et d’une école d’architecture. Si ce rassemblement est plutôt classique au Royaume-Uni, il reste atypique en France et nous comptons bien sur ces nouvelles compétences réunies pour enrichir nos partenariats internationaux.